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'Conclusion: De nouvelles identités régionales dans une Europe nouvelle?'
 
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Conclusion: De nouvelles identités régionales dans une Europe nouvelle?

"Des frontières perméables, ouvertes, permettent la communication et l'innovation en mettant en relation différents espaces culturels et économiques, tout en assurant à la fois l'identité et la sécurité" (Kux, 2000, p. 423). Cette affirmation est une sorte de leitmotiv de l'idée de l'Europe. Il est particulièrement intéressant de replacer cette idée, à la lumière de la région du Rhin Supérieur, qui est volontiers considérée par les acteurs politiques comme l'exemple par excellence d'une eurorégion, dans le contexte d'une communauté culturelle transfrontalière particulièrement marquée par les événements de l'histoire contemporaine, et d'examiner sur la base de ce cas d'étude si la vision d'une nouvelle "Europe des régions [1] " est déjà devenue une réalité.

Fig. 62

 

 

 

 

 

Il n'est pas aisé de fournir en conclusion une évaluation générale du processus d'intégration dans la région du Rhin Supérieur. On peut dire à juste titre que la coopération transfrontalière semble s'y être développée de façon particulièrement intensive, mais demeure la question fondamentale: l'ouverture des frontières politiques a-t-elle été suivie de celle des barrières mentales?Malgré la multitude des exemples positifs qui ont été présentés ici, on ne peut pas non plus fermer les yeux sur les échecs de l'intégration, tels que le raccordement au réseau d'autoroute de la rive gauche du Rhin, qui échoue depuis des années en raison de l'opposition des habitants de la région, l'idée d'un "métro Rhin" entre Strasbourg et Offenburg, qui a buté jusqu'ici sur des obstacles de tous ordres, la création d'un "euro-district" autour de Strasbourg, vue comme "ville européenne", avec un réseau de voies de communication intégré, projet considéré avec quelque scepticisme par le gouvernement central de Paris aussi bien que par beaucoup de citoyens de la région concernée, la question, vivement débattue depuis de nombreuses années, de l'euro-aéroport de Mulhouse/Bâle. La liste n'est pas close.

Il n'est donc pas étonnant que la région du Rhin Supérieur soit volontiers choisie comme exemple type de coopération transfrontalière franco-allemande. Les ouvrages qui s'y rapportent remplissent des étagères entières de bibliothèques, avec des titres parfois provocateurs.

Fig. 63 a-f

Le problème linguistique compte parmi les grands thèmes des relations frontalières franco-allemandes, même dans la région du Rhin Supérieur, puisque l'alsacien n'y a pas la fonction d'une lingua franca. De toute façon, l'alsacien n'est plus maîtrisé que par quelques rares jeunes, de sorte que le passé linguistique alémanique commun ne joue pratiquement plus de rôle, du moins au niveau des relations économiques. La situation est peut-être différente au niveau culturel, mais là aussi plutôt seulement à l'échelle communale.

La politique linguistique de l'enseignement scolaire se solde par un échec: malgré tous les efforts, on n'a pas réussi à établir le français comme première langue étrangère dans le Pays de Bade, et l'allemand du côté alsacien. A la question: "Vous sentez-vous européen?" posée dans le cadre d'un sondage réalisé au milieu des années 1990, 5 % seulement des habitants de Rhénanie-Palatinat et 7 % des Badois et des Alsaciens ont répondu par l'affirmative, tandis que la vaste majorité des habitants de ces trois régions ont déclaré leur appartenance et leur adhésion à leur région respective (Sonntag Aktuell, N° 11-G., 17.03.1996). Le problème de la langue a été avancé pour étayer cette déclaration.

Cette contribution ne peut offrir en bilan qu'une évaluation prudente et nuancée (et, comme il faut bien le reconnaître, subjective), car les régions d'Europe, quelle que soit la

définition qu'on en donne, ne se laissent pas enfermer dans des formules mathématiques. Lezzi (2000, p. 23) émet un jugement intéressant, quand elle dit: "L'eurorégion du Rhin Supérieur est formée par le fossé du Rhin, limité par les montagnes du Jura, de la Forêt Noire et des Vosges. Autant cette unité géographique saute aux yeux, autant cette région n'a jamais constitué d'unité au sens politique. Les habitants du Palatinat, du Pays de Bade, d'Alsace et de Bâle ont en commun leur origine alémanique et les relations qu'ils ont tissées au fil de l'histoire. Depuis l'ère romaine il y a près de 2000 ans, on n'a cependant plus jamais tenté de faire de la plaine du Rhin Supérieur un territoire indépendant ou un État sous la forme d' 'États-Unis de la Vallée du Rhin Supérieur'."

Fig. 64

Source: Landeszentrale für politische Bildung BW, 1996, p. 52. 

Mais là n'est certainement pas la question essentielle. Le problème est bien plutôt de savoir si un "nouveau rapport de forces" s'établit dans la région du Rhin Supérieur dans le cadre du processus d'intégration européenne, par exemple sous la forme d'une mainmise de l'économie allemande sur les régions voisines, d'un déséquilibre aux dépends de l'Alsace résultant du libre échange transfrontalier voulu par l'Union européenne. C'est justement cela qui semble se produire actuellement dans la région du Rhin Supérieur. Si Karlsruhe est déjà parfois appelée la capitale de l'Alsace du Nord, pourquoi Strasbourg n'aurait-elle pas le droit de se désigner comme capitale de l'Alsace médiane et de l'Ortenau - du moins du point de vue économique? Le fait qu'il n'en soit rien montre bien qu'il y a là vraiment un problème, dont beaucoup, particulièrement en Alsace, prennent de plus en plus conscience.

A cette question se rattache le problème d'une nouvelle identité de la région du Rhin Supérieur dans une Europe qui se définit toujours plus comme un espace sans frontières. Les sondages réalisés jusqu'ici sont plutôt décevants. La longue histoire mouvementée du Rhin Supérieur explique la formation d'identités régionales, lesquelles ne peuvent être effacées du jour au lendemain. Tomi Ungerer (1999, p. 8) a bien mis le doigt sur cette question sensible dans cette formule sarcastique: "Il y a des années de cela, je disais que l'Alsace était comme les toilettes, toujours occupée. Ça n'a pas beaucoup changé depuis, nous ne vivons plus sous la botte allemande ou sous la "pantoufle" française, mais sous l'auréole étoilée de l'Europe."

Kleinschmager (1999, p. 122) reprend la même idée quand il dit: "Le pire serait évidemment de laisser accroire que s’opère par l’économie ce que d’aucuns pourraient considérer comme une reconquête pacifique dont l’Union Européenne serait le cheval de Troie. Reste à définir avec précision quelle Europe est souhaitable : Europe des régions ou Europe des nations? Le débat est ouvert. Faute d’être tranché, les régions frontalières comme l’Alsace sont confrontées à des évolutions contrastées et leurs opinions publiques travaillées par des contradictions de plus en plus marquées." On ne saurait dire actuellement si la voie de la coopération mène la région du Rhin Supérieur vers un avenir incertain ou bien vers un partenariat de voisinage durable basé sur la solidarité, dans l'esprit d'une nouvelle Europe.

Fig. 65

 

 

 

 

 

Source Internet [2]

Fig. 66

 

 

 

 

 

Source Internet [3]