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'L'unité allemande'
 
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L'unité allemande

Quatre ans seulement séparent la guerre que se sont livrés entre eux les États allemands et les ressentiments assez prononcés accumulés contre la Prusse au sud du Main, de l'unité allemande. Le fait que l'Allemagne ait justement réalisé son unité sous la domination de la Prusse souligne bien à quel point la guerre contre la France a mobilisé les esprits. Aux yeux des Allemands, la guerre offrait une occasion unique d'écraser l'adversaire historique de l'unité. Les poèmes de guerre et les revues satiriques célébrèrent la défaite de la France et l'unité de l'Allemagne comme les deux côtés d'une même médaille (Doc. 13 [1] ). Napoléon III et le peuple français furent l'objet de railleries, mais aussi de haine et d'hostilité.

A gauche : Kladderadatsch, N° 37, 14 août 1870
Au milieu :
Kladderadatsch, N° 41, 4 septembre 1870
A droite :
Kladderadatsch, N° 58, 18 décembre 1870

L'Empire allemand fut fondé à l'issue de négociations menées par Bismarck en octobre et novembre 1870 avec les représentants des États d'Allemagne du Sud. Le Pays de Bade et l'État de Hesse-Darmstadt adoptèrent en bloc la constitution de la Confédération d'Allemagne du Nord. Les négociations furent plus difficiles avec le Wurtemberg et la Bavière, États auxquels Bismarck se vit obligé de faire d'importantes concessions sous forme de droits particuliers (Reservatsrechte) qui leur assuraient l'administration autonome des postes et chemins de fer, et pour la Bavière, la souveraineté militaire en temps de paix. Les deux organes parlementaires de la Confédération de l'Allemagne du Nord, le Bundestag et le Reichstag), entérinèrent au début du mois de décembre 1870 les accords passés avec les États d'Allemagne du Sud et les amendements constitutionnels [2] . Entre-temps, Bismarck s'était dépensé en temps et en argent à convaincre le roi Louis II de Bavière [3] que le roi de Prusse devait à l'avenir porter le titre d' "Empereur allemand" (deutscher Kaiser) et que Louis devait le prier d'accepter ce titre honorifique avant que les représentants du peuple ne prennent d'autres initiatives (Doc. 14 [4] ). Guillaume Ier se montrait très réservé vis-à-vis du titre d'Empereur, craignant d'amoindrir sa dignité royale en l'acceptant. Bismarck rejeta son désir d'être appelé "Empereur d'Allemagne" (Kaiser von Deutschland), car ce titre aurait entraîné des droits de domination territoriale incompatibles avec la souveraineté des différents États allemands.

Lors de la dernière séance du Reichstag de la Confédération d'Allemagne du Nord, les députés votèrent à la quasi unanimité (avec six voix d'opposition seulement) une motion priant Guillaume d'accepter la couronne impériale, afin de consacrer l'unification. Eduard Simson se trouvait à la tête de la députation (Kaiserdeputation) que Guillaume reçut à Versailles le 18 décembre 1870. En 1849, ce même député, alors président de l'Assemblée nationale, avait déjà présenté la même motion au roi de Prusse de l'époque, Frédéric Guillaume IV, mais ce dernier avait refusé de recevoir des mains de représentants du peuple une couronne impériale qui sentait encore le soufre de la révolution et de la souveraineté du peuple. La situation était cependant différente en 1870. Le 2 décembre, Guillaume avait reçu des mains du roi de Bavière une lettre (Doc. 15 [5] ) dans laquelle ses pairs le priaient d'accepter la dignité impériale. En remettant cette requête, Louis II approuvait ainsi le vœu des députés (Doc. 16 [6] ). L'Empire allemand répondait aux désirs de la majorité de la population - comme le montre bien la députation -, mais les décisions essentielles n'avaient pas été prises au parlement, ainsi que le constata avec justesse et satisfaction le journal réactionnaire Kreuzzeitung (Doc. 17 [7] ), qui présenta la fondation de l'Empire par Bismarck comme une revanche historique sur la constitution démocratique de l'Assemblée nationale de Francfort (Doc. 18 [8] ).

Les accords conclus le 1er janvier 1871 entrèrent en vigueur le 18 janvier par la proclamation de l'Empire [9] dans la galerie des Glaces du château de Versailles, à laquelle assistèrent les princes des différentes dynasties allemandes et les hauts cadres de l'armée - les parlementaires allemands en étaient par contre absents. Anton von Werner a immortalisé cet événement sur une toile qui deviendra une véritable icône de la fondation de l'Empire: la proclamation de l'Empire allemand y est représentée comme une cérémonie quasi religieuse à la gloire de Bismarck.

Le tableau peint par Anton von Werner n'est pas une représentation authentique de la proclamation de l'Empire, mais un hommage à Otto von Bismarck. L'original se trouve au musée Bismarck de la ville de Friedrichsruh.

Dans sa déclaration, l'Empereur Guillaume mit l'accent sur le fondement monarchique du nouvel État, ainsi que sur la menace que la France constituait toujours pour l'avenir, mais exprima aussi son espoir de paix et de prospérité générale (Doc. 19 [10] ). Un tel discours ne représentait pas une contradiction à cette époque. Le maire de Berlin s'exprima également dans ce sens lors de la cérémonie d'accueil des troupes rentrées de guerre, qui eut lieu en juin dans la capitale (Doc. 20 [11] ). La France était considérée comme un foyer d'agitation, le nouvel Empire allemand par contre comme un havre de paix.