- Structures démographiques, migration, minorités
- Comparaisons socio-culturelles
- 1968 et ses conséquences
- Introduction
- Le mariage comme sacrement
- Les débats sur le mariage vers 1800
- L'amour romantique
- L'égalité entre l'homme et la femme
- La législation sur le mariage vers 1800
- Le Code prussien (Allgemeines Preußisches Landrecht)
- Le Code Civil français
- Résumé
- Livres et articles
- Les mariages transfrontaliers entre Alsaciens et Allemands à Strasbourg entre 1871 et 1914
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Le mariage comme contrat
L'Église a voulu réglementer le mariage selon sa doctrine. Les autorités séculaires - rois, princes et magistrats - ont également exercé très tôt leur influence en promulguant des édits sur le mariage. C'est ainsi que dès le XVIIe siècle, le roi de France décréta que les mariages seraient désormais publics. Les autorités séculaires ne laissaient également aux futurs époux aucune liberté de décision quant aux modalités du mariage.
Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'on commença à remettre en question ces contraintes imposées d'en haut. Ce furent tout d'abord les philosophes du droit naturel qui élaborèrent une conception du mariage reposant sur l'individu. Ces premiers représentants du mouvement des Lumières plaidaient en faveur d'un ordre établi par l'homme, et non plus dicté par Dieu et l'Église. Ces philosophes n'étaient pas pour autant des athées. Ils voyaient en Dieu le créateur d'un monde régi par des principes raisonnables et d'un homme pourvu de raison. L'homme pouvait donc selon eux faire appel à son entendement pour explorer et façonner le monde, et Dieu pouvait se retirer des choses terrestres, après avoir achevé son oeuvre de création.
Pour le mouvement des Lumières, un important instrument servant à organiser la sphère humaine était la législation en matière de contrats, appliquée depuis longtemps déjà dans le droit privé, et désormais de plus en plus également dans le domaine socio-politique. Le plus fameux exemple est le "Contrat Social" conçu par Jean-Jacques Rousseau (cf. chap. 3.3 [1] ), qui reprend et développe d'anciens modèles de contrats.
L'idée européenne de droit naturel n'est pas restée sans effets sur la conception du mariage et des relations entre les sexes. Les philosophes des Lumières commencèrent à voir également dans le mariage un contrat dont les modalités devaient être librement négociables, du moins en théorie. Dans la pratique, les philosophes du droit naturel se prononcèrent cependant en faveur d'une harmonisation des mariages conclus sur la base d'un contrat avec la doctrine prônée par l'Église dans ce domaine. Christian Thomasius [3] proposa par exemple d'assurer l'autorité de l'homme marié par la conclusion d'un contrat de capitulation, donc de soumission de la femme à son mari. Par contre, les premiers philosophes du droit naturel n'étaient pas aussi stricts que l'Église sur la question de l'indissolubilité des liens du mariage.
L'idée du contrat de mariage atteignit un premier point culminant vers 1800. Le philosophe Karl Ludwig Pörschke (1752-1812) énonça ainsi en 1795 que le mariage est un contrat entre personnes des deux sexes en vue d'une étroite vie commune, que la finalité du mariage doit être laissée au libre arbitre de toute personne, qui doit pouvoir s’engager aux conditions qu’elle désire, s’unir par les liens du mariage pour aussi longtemps qu’elle le veut, mais aussi rompre ces liens avant l’heure avec le consentement de l’autre partie, une partie n’ayant de pouvoir sur l’autre que par accord et consentement ("Vorbereitung zu einem populären Naturrechte", Königsberg 1795). Les philosophes des Lumières voulaient ainsi émanciper les hommes et les femmes, jusque dans le domaine du mariage. Parallèlement à ces débats, ces idées ont été mises en oeuvre au niveau de la législation dans le Code prussien (Preußisches Allgemeines Landrecht) (cf. chap. 4.1 [4] ) et le Code Civil français (cf. chap. 4.2 [5] ).