- Structures démographiques, migration, minorités
- Les relations sociales et culturelles franco-allemandes depuis 1945
- La conception de la nation en France et en Allemagne
- La coopération entre les sociétés civiles française et allemande
- Introduction
- Arrière-plan
- Radicalisation des opinions politiques
- L’influence des prêtres et des enseignants sur les mentalités politiques
- L’importance des associations d’agriculteurs
- La victoire des partis politiques radicaux
- 1968 et ses conséquences
- Rencontres au quotidien
Vous êtes ici: Deuframat > ... > Conséquences de la Première Guerre mondiale
Conséquences de la Première Guerre mondiale
L’expérience de la Première Guerre a pour conséquence la remise en question des convictions politiques familières de croyance dans le milieu national-protestant comme dans le milieu républicain-laïque ainsi que la déstabilisation de la dominance des partis se basant là-dessus pendant une courte durée historique. Il semble alors en Corrèze que l’anticléricalisme se soit noyé dans la boue des tranchées, de telle sorte que le Bloc National triomphe aux élections législatives en 1919, ici comme dans la France entière, dans l’esprit d’une Union sacrée, de l’antigermanisme et de l’anticommunisme, au détriment des Radicaux. Au tournant de l’année 1918/19, on observe également en Moyenne-Franconie occidentale, contrairement à la tradition historique de la région, une paralysie – toutefois brève – en politique de parti du conservatisme fidèle à l’empereur et rendu responsable de la défaite militaire, le libéralisme, trop national, ne peut cependant pas en profiter comme la social-démocratie qui ne réussit pas toutefois à se maintenir de sorte que ce succès restera unique.
Plusieurs faits sont la cause du retour aux positions d’avant 1918 de la population rurale luthérienne menée par des sentiments "patriotiques" : la révolution des conseils de Bavière accompagnée d’une importante crainte croissante du bolchevisme hostile à la religion et à la possession de biens, et l’explosion d’un nationalisme de défaite après la signature du traité de Versailles [1] . Ces faits expliquent la montée du parti populaire "deutschnationale Volkspartei" qui reprend dans la province l’essentiel de l’héritage du parti conservateur-nationaliste allemand (les Deutschkonservativen), mais qui commence aussi rapidement à absorber, en tant que parti protestataire évangélique-agricole, la clientèle du libéralisme "démocrate-juif", un libéralisme accablé de la responsabilité pour le "Weimarer System" (système parlementaire de la République de Weimar) et ses échecs en politique étrangère et politique économique.
Alors que le communisme en Moyenne-Franconie occidentale demeure avant tout une vision épouvantable pour la paysannerie et la bourgeoisie devant l’arrière-plan des expériences des révolutions vécues dans le propre pays durant la période de Weimar et alors que la formation radicale et à caractère de secte du parti communiste allemand (KPD) au-delà de la tradition sociale-démocrate, tout comme sa rigueur dogmatique, rend impossible son établissement dans le milieu électoral régional (notamment dans le domaine de politique rurale), le communisme français prend, lui, un tout autre chemin. Le fait que les partisans d’un rattachement à la nouvelle Internationale communiste lors du congrès du parti socialiste à Tours en 1920 atteignent la majorité procure à la SectionFrançaise de l’Internationale Communiste (SFIC) dès le départ une position nettement plus avantageuse au sein du système des partis en France, d’autant plus que le socialisme s’y est bien plus rapproché de la République depuis son alliance avec la bourgeoisie libérale lors de l’Affaire Dreyfus [2] (voir la contribution de P. Cabanel [3] ) que leparti socialiste allemand (SPD) de l’Etat allemand monarchique.
Fig. 6
En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est exclu à tort de l’armée par un tribunal militaire pour espionnage au profit de l’Empire allemand sur la base de pièces à conviction falsifiées. Il est condamné à la déportation à perpétuité sur l’île du Diable au large de Cayenne (Guyane française). Des indices sur l’illégalité de la procédure ayant été révélés au public, l’affaire Dreyfus représente la plus grande crise en politique intérieure de la IIIe République au tournant du siècle.
Source Internet
En outre, des personnalités politiques pragmatiques – personnalités offrant en tout à l’électeur français une meilleure orientation que les partis mêmes, si importants en Allemagne – ont pour effet en Corrèze - et dans toute une série d’associations rurales faisant partie du Parti Communiste Français (PCF [4] ) - que même les phases idéologiques d’extrême gauche décrétées de façon centralisée peuvent être surmontées, ainsi, le communisme rural trouve adhésion, du moins dans les régions économiquement défavorisées, chez les petits exploitants agricoles et les artisans en tant que système de protection spécifiquement socio-conservateur qui non seulement respecte leurs biens modestes, mais aussi leur promet de les augmenter au détriment des "Gros". Sur ce, on accorde même un caractère de modèle à la révolution russe, géographiquement éloignée, perçue comme un mouvement de redistribution des terres. Les tendances au "Sinistrismus" ("gauchisation") politique observées déjà avant 1914 continuent à se renforcer dans la région avec l’établissement d’un parti communiste reprenant pratiquement tout le noyau ainsi que l’appareil d’organisation de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) et trouvant un écho assez stable auprès de 20% des Corréziens.
On peut mesurer dans les régions l’importance des mentalités transmises surtout dans les zones de tensions de politique étatique concernant l’Eglise et dans le comportement politico-religieux malgré une perte de repères passagère suivant immédiatement la fin de la Grande Guerre. Etonnamment peu influencées par les grands événements politiques de la trêve et de l’Union Sacrée, par le vécu en commun de la guerre chez la population respectivement protestante et catholique ou religieuse et laïque, les vieilles mentalités de l’anticléricalisme tout comme du confessionnalisme anti-ultramontain sous forme d’un Kulturkampf (combat contre l’Eglise catholique) venant "d’en bas" continuent d’agir jusque dans les années trente du XXe siècle, que ce soit sous forme d’"une rumeur infâme" contre les prestations des pasteurs corréziens au front, ou en Moyenne-Franconie occidentale sous forme d’une indignation à propos de la thèse catholique affirmant que Martin Luther aurait perdu la guerre avec l’Allemagne en 1918. En Corrèze, l’anticléricalisme remplit une fonction stabilisante pour la gauche politique, bien que les socialistes disputent de plus en plus aux Radicaux depuis la fin des années vingt le rôle habituel de fer de lance du laïcisme. En Moyenne-Franconie occidentale, le Parti Nationaliste (DNVP) suivi du NSDAP en tant que partis s’adressant ici en premier lieu aux protestants ("evangelische Integrationsparteien", W. Pytha) – profitent des conflits confessionnels persistants entre luthériens et catholiques minoritaires.