- L'Europe des régions
- Dimensions européennes de la coopération économique
- La France et l'Allemagne dans le système international
- Niemcy, Francja, Polska: trzy drogi w dziejach Europy
- Allemagne-France-Pologne
- Le "Triangle de Weimar" - Les relations franco-germano-polonaises en tant que moteur de l'intégration européenne
- Le Triangle de Weimar dans l'Union élargie
- Allemagne - France - Europe de l'Est : dimensions historiques et nouvelles options
- Les acteurs économiques allemands et français en Europe de l'Est: une présence inégale
- La stimulation du dialogue européen avec la Russie: l'Allemagne, la France et la Russie, des partenaires stratégiques pour l'Europe
- Le déjà-vu Est-européen
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Remarque préliminaire
La princesse phénicienne Europe, née au Moyen-Orient, fut enlevée jusqu'en Crète par Zeus, tombé amoureux d'elle, sous la forme d'un taureau. C'est là qu'elle mit au monde Minos et ses frères. Ce mythe antique rappelle les racines orientales de notre culture européenne et montre combien il est difficile de tracer clairement les contours politiques et culturels de l'Europe. Dans le cadre d'une conférence organisée par l'Institut Français de Berlin, l'Institut Polonais de Berlin et l'Association fédérale des Sociétés Germano-Polonaises des différents Länder allemands, des experts allemands, français et polonais renommés ont tenté, tout en mettant l'accent sur le passé historique particulier et les représentations culturelles de leurs pays respectifs, de formuler des réponses à la question de l'identité culturelle de l'Europe. Cette dernière est à nouveau d'actualité, dans le contexte de l'élargissement de l'UE vers l'Est, de la candidature à l'adhésion à l'UE de la Turquie, et de la thèse du "choc des cultures". Nous rapportons ici deux entretiens de cette conférence, qui s'est tenue à l'Institut Français de Berlin le 29 avril 2003.
Basil Kerski: La princesse phénicienne Europe, née au Moyen-Orient, fut enlevée jusqu'en Crète par Zeus, tombé amoureux d'elle, sous la forme d'un taureau. C'est là qu'elle mit au monde Minos et ses frères. Ce mythe antique rappelle les racines orientales de notre culture européenne et montre combien il est difficile de tracer clairement les contours politiques et culturels de l'Europe. Dans le cadre d'une conférence organisée par l'Institut Français de Berlin, l'Institut Polonais de Berlin et l'Association fédérale des Sociétés Germano-Polonaises des différents Länder allemands, des experts allemands, français et polonais renommés ont tenté, tout en mettant l'accent sur le passé historique particulier et les représentations culturelles de leurs pays respectifs, de formuler des réponses à la question de l'identité culturelle de l'Europe. Cette dernière est à nouveau d'actualité, dans le contexte de l'élargissement de l'UE vers l'Est, de la candidature à l'adhésion à l'UE de la Turquie, et de la thèse du "choc des cultures". Nous rapportons ici deux entretiens de cette conférence, qui s'est tenue à l'Institut Français de Berlin le 29 avril 2003.
Robert Traba: J'aimerais compléter brièvement cet aperçu de ma vie privée en mentionnant le fait que mon père a été envoyé en captivité comme prisonnier de guerre à Angenburg, en Prusse orientale. Lorsqu'il est revenu en Pologne après la guerre, il a échoué par hasard dans ce même Angenburg, qui s'appelait désormais Wegorzewo. C'est de cette façon singulière que le cercle s'est refermé pour lui.
La France et les relations franco-polonaises ne jouent aujourd'hui qu'un rôle mineur dans la conscience collective des Polonais. Seul un petit nombre d'entre eux font le rapprochement entre la France et la Pologne, ce qui est tout à fait paradoxal, si l'on fait un retour en arrière. Dans la mythologie polonaise, Napoléon et la France sont devenus, à côté de l'insurrection menée par Kosciuszko - la première insurrection nationale menée à la fin du XVIIIe siècle contre les puissances qui se partageaient la Pologne -, des objets de mémoire essentiels du XIXe siècle. Napoléon incarnait véritablement l'amitié franco-polonaise, et jouissait par conséquent d'une image très positive. Après la Première Guerre mondiale, les relations entre l'Allemagne, la Pologne et la France ont débouché sur des liens très étroits entre la Pologne et la France, pour des raisons politiques, plus que mythologiques. L'amitié franco-polonaise semblait reposer sur des bases solides. Elle était cependant déjà un peu à sens unique. Je ne sais pas si Monsieur le Professeur Etienne François partage cette opinion, mais il y avait déjà à cette époque une certaine asymétrie entre les Polonais et les Français dans leur perception mutuelle. La culture française ne joue qu'un rôle très minime dans la société polonaise actuelle en comparaison des contacts qui existent entre l'Allemagne et la Pologne.
Basil Kerski: Monsieur le Professeur Kaelble, dans ce triangle Pologne-Allemagne-France - qui est aussi un triangle politique - le déficit de la Pologne ne s'explique pas seulement par le fait que cet État présente un considérable retard économique et militaire sur la France ou l'Allemagne, mais aussi en raison de l'importance particulière des relations entre l'Allemagne et la France, du moins depuis la Deuxième Guerre mondiale. J'irais même jusqu'à avancer la thèse que le développement de bonnes relations avec la France a contribué de façon décisive à la formation d'une identité en République fédérale d'Allemagne. Pensez-vous que les relations franco-allemandes jouent encore aujourd'hui un rôle majeur, du moins pour l'identité politique de l'Allemagne réunifiée?
Hartmut Kaelble: Je suis marqué par mon vécu, car j'ai beaucoup de liens avec la France et je suis, sinon un Parisien d'adoption, du moins un Parisien de coeur. Ma vision des choses est peut-être quelque peu restreinte, mais je crois que la France joue sans aucun doute un rôle très important pour l'Allemagne, même après la chute du Mur. Depuis 1989, la France s'intéresse plus à l'Allemagne, elle investit plus en Allemagne, elle y est plus présente, aussi bien culturellement qu'économiquement. Il faut bien voir cette situation particulière dans son contexte historique. La France n'est plus le grand centre culturel de l'Europe, et elle n'est plus le pays contre lequel le sentiment national allemand se dresse. Un bon nationaliste allemand ne fait nullement le contraire de ce qui pourrait profiter à la France. Ces temps sont révolus. Dans ce contexte historique, la France joue toujours un rôle majeur pour son voisin de l'Est, parce qu'elle est devenue pour l'Allemagne un modèle de réconciliation après la Seconde Guerre mondiale, et que cette guerre est toujours présente dans l'esprit des Allemands, comme nous l'avons bien vu lors du débat sur la guerre en Irak. C'est cette réminiscence encore vive de la Seconde Guerre mondiale qui explique la réaction de l'Allemagne face à la guerre en Irak. La France est en outre le partenaire de l'Allemagne dans le cadre de l'intégration européenne. Bien sûr, beaucoup d'Allemands redoutent que ce partenariat ne soit trop exclusif, ce qu'il n'a d'ailleurs jamais été. Robert Schuman a mis en garde dès 1950 contre cette exclusivité. Il existe un stéréotype allemand: la France demeure pour beaucoup d'Allemands un pays nationaliste, au sens négatif du terme. C'est tout à fait singulier, car les sondages montrent que les réponses affirmatives à la question: "Etes-vous fier de votre pays?" sont plutôt en recul en France, tout comme en Allemagne. En Europe, c'est plutôt dans des pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède que les "oui" sont restés stables, pas en France. Mais étrangement, ce stéréotype qui veut que les Français soient particulièrement nationalistes est quasi indéracinable en Allemagne. D'un côté, l'Allemagne a des liens profonds, souvent émotionnels, avec la France - pays avec lequel les Allemands se sont réconciliés. A ces liens est venu s'ajouter le côté rationnel du partenariat politique sur la scène européenne. Mais par ailleurs, il existe encore chez les Allemands des stéréotypes que l'on ne peut pas oublier et dont nous devons tenir compte lorsque nous discutons des relations entre les deux pays.
Basil Kerski: Monsieur le Professeur François, Robert Traba a mis l'accent sur le fait que les relations entre la Pologne et la France sont marquées par un certain déséquilibre. Les Polonais ont des lieux de mémoire en France, par exemple l'hôtel Lambert, le centre de la grande émigration, au XIXe siècle, ou les locaux de la revue "Kultura", à Maisons-Laffitte, près de Paris. A l'inverse cependant, la Pologne et son histoire, comme l'a souligné Robert Traba, ne jouent qu'un rôle presque insignifiant pour l'État français moderne. Qu'en est-il des relations franco-allemandes? Peut-on discerner là aussi un déséquilibre? La France joue-t-elle un rôle plus important pour l'Allemagne d'après-guerre et son identité que vice versa?
Etienne François: Je ne parlerais plus à l'heure actuelle de déséquilibre. Ce déséquilibre a joué un rôle central dans les représentations et images de "l'autre" jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Le sentiment qui prédominait était la peur: on craignait que le pays voisin ne devienne plus puissant, qu'il n'impose son pouvoir, de sorte qu'on avait dû s'en démarquer pour se protéger. Cette perception a prévalu jusqu'en 1940. Après 1945, elle s'est progressivement modifiée. Le développement des relations franco-allemandes après la Seconde Guerre mondiale a été essentiellement marqué par la volonté de forger une nou-velle forme de partenariat reposant sur l'égalité des deux pays et la reconnaissance des spécificités nationales. Il s'agissait de faire passer au second plan les divergences pour gagner une estime réciproque. Le but essentiel était de surmonter une pensée polarisante. Bien sûr, l'amitié franco-allemande a été mise à l'épreuve après la réunification de l'Allemagne, la France craignant alors qu'une Allemagne agrandie ne crée un déséquilibre et n'apporte par là l'instabilité au coeur de l'Europe. Ces craintes étaient sans fondement.
Les relations actuelles entre les deux pays sont certainement autres que dans l'immédiate après-guerre, en particulier parce que la réconciliation a eu un tel succès que je suis presque tenté d'oublier que les Français et les Allemands se sont affrontés il y a 60 ans. Même si ces relations se sont normalisées, avec tout ce qu'un tel processus peut comporter comme aspects négatifs, il n'en reste pas moins ce sentiment, éprouvé des deux côtés du Rhin, que nous ne saurions nous passer les uns des autres, que nous sommes indissociables. J'aimerais prendre ici en exemple les résultats d'un sondage réalisé dans six pays européens sur la vision du passé, à savoir la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne et la Pologne. Ces résultats, qui ont été publiés il y a quelques mois, ont révélé que les Allemands considèrent l'histoire de France comme faisant partie de leur propre histoire et vice versa, ce que l'on ne retrouve pas encore dans la même mesure dans d'autres pays.
Basil Kerski: Restons du côté de la France. Nous sommes tous trois d'accord sur le fait qu'une grande partie au moins des élites politiques appelle de ses vœux une Europe unie. Ce qui pose problème, c'est de rassembler en une nouvelle structure politique ces trois nations si différentes l'une de l'autre. La France est vue de façon stéréotypée comme un État-nation qui se recoupe avec son identité culturelle, qui est organisé selon un système centraliste et repose naturellement sur le passé de son Empire, mais a encore l'ambition d'être une grande puissance. Dans quelle mesure ces représentations reflètent-elles la réalité?
Etienne François: Elles ne sont que partiellement justes. Le centralisme connaît un rapide recul, du moins depuis de Gaulle, mais ce processus s'est en fait déjà amorcé plus tôt. Je veux parler de la politique de décentralisation que chaque gouvernement successif a poursuivie et qui s'accélère, qui est mise en oeuvre et acceptée par la population, de sorte que les différences entre la France "centralisée" et l'Allemagne "décentralisée" s'effacent progressivement. Je ne parlerais plus aujourd'hui de contrastes, mais seulement de nuances.
Deuxième point: la politique de force, le rayonnement dans le monde. Des particularités persistent encore, puisque la France reste une puissance atomique et détient un siège au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, mais ces deux facteurs mis à part, il n'y a plus de différences fondamentales. Les Français ont un peu plus de poids dans le domaine politique, les Allemands dans le domaine économique. Ils agissent très souvent ensemble, je ne vois guère là de grandes différences. Les deux pays ne présentent plus d'écarts quant à leur identité. Nous avons longtemps brandi nos différences identitaires pour nous démarquer de l'autre - État-nation d'un côté, "Kulturnation" (nation fondée sur le concept de culture) de l'autre. L'identité de la République fédérale d'Allemagne, et encore plus celle de l'Allemagne réunifiée, est semblable à celle de la France en ceci qu'elle est profondément républicaine.
Si nous passons en revue les aspects essentiels, j'ai l'impression que les points communs sont à présent bien plus nombreux que les différences. S'il existe des différences, ce n'est plus sous forme d'antagonismes, mais d'intérêts particuliers et de traditions qui contribuent plutôt à la diversité et à la richesse de l'Europe.
Basil Kerski: Quelles sont les répercussions de la décentralisation politique et administrative sur la culture? Assiste-t-on à la naissance, voire à la résurgence d'identités culturelles régionales?
Etienne François: Oui, de telles identités existent et ont toujours existé. Elles sont très enracinées et vivaces, comme on peut l'observer en France, mais aussi dans beaucoup d'autres pays. Selon mes observations, c'est également le cas en Pologne, où il y a aussi des différences considérables, voire même des antagonismes entres les régions. Ceci vaut non seulement pour l'économie, mais aussi pour la culture. Il est fascinant de voir comment en France, une ville comme Lyon s'impose, mais aussi, le rôle que jouent Strasbourg et l'Alsace. Des métropoles dynamiques comme Bordeaux, Toulouse ou Marseille exercent une grande influence dans beaucoup de domaines. Je pense par exemple à la musique, au théâtre, aux arts plastiques. Ces métropoles régionales développent de nombreuses initiatives et ont les moyens d'êtres créatives. Elles entretiennent plus de relations avec les métropoles régionales d'autres pays qu'avec leur propre "vieille" capitale, Paris, qui semble souffrir du poids de son riche patrimoine.
Basil Kerski: Monsieur Kaelble, comment voyez-vous les phénomènes décrits par Monsieur François, vous qui partagez votre vie entre Paris et Berlin? Constatez-vous également une évolution majeure de la nation française?
Fig. 5
La signature du Traité de l'Élysée, le 22 janvier 1963, a marqué le début d'un nouveau partenariat entre la France et l'Allemagne reposant sur l'égalité des deux pays et la reconnaissance des spécificités nationales.
Source Internet [4]
Hartmut Kaelble: Je vois effectivement comme Etienne François des tendances à la décentralisation, ainsi qu'un changement dans l'image de la nation et une forte convergence entre l'Allemagne et la France. Il existe certainement encore quelques différences intéressantes, dont les deux pays peuvent mutuellement tirer profit. L'une d'entre elles concerne le système éducatif. Le système éducatif allemand forme plutôt des spécialistes, tandis que le système éducatif français forme beaucoup plus de généralistes, qui peuvent très bien avoir d'abord pour charge la gestion d'un théâtre, pour diriger ensuite un groupement agricole et finir par devenir ministre de l'Économie. J'exagère peut-être un peu, mais ces différences sont intéressantes, dans la mesure où les Allemands peuvent apprendre des Français à former plus de généralistes, mais aussi où les Français peuvent parfois tirer profit du système allemand. Une deuxième différence réside dans la manière de gérer une entreprise économique. Il existe aujourd'hui, aussi bien à Paris qu'en Allemagne, des instituts spéciaux dans lesquels les hommes d'affaires qui travaillent dans le pays voisin ap-prennent à connaître l'autre culture d'entreprise. Il est étonnant de constater que les diffé-rences demeurent importantes dans le secteur économique, donc précisément là où l'inté-gration européenne a commencé, comme par ex. dans ce domaine de la culture d'entre-prise. Par contre, les choses ne vont pas si mal dans le domaine culturel, dont Jean Monnet aurait dit que c'est par là que l'on aurait dû commencer l'intégration européenne. Cette phrase, qu'on lui a attribuée à tort, passe à côté de la vérité. A l'heure actuelle, les universités ne présentent plus de grandes différences entre elles. Certains universitaires n'habitent pas toujours dans la même ville, comme c'est le cas pour Etienne et moi-même. Mais nous nous entendons très bien, même si nous vivons en différents lieux et que nous nous voyons rarement. Le célèbre sociologue Pierre Bourdieu a déclaré en 1960 qu'il lui suffisait de laisser tomber un seul mot dans une discussion avec des collègues allemands pour qu'il y ait des malentendus, et que toute parole ne faisait que déboucher sur d'interminables et inutiles débats. Cette affirmation n'a plus de raison d'être. Ce qui subsiste encore sont les particularités économiques évoquées plus haut. Il est bon de réfléchir à la façon dont on peut réduire ces disparités, ou bien à l'inverse, dont on peut tirer mutuellement profit de celles-ci.
Fig. 6
Carte de l'Europe représentant le continent comme souveraine de l'Empire
(Heinrich Buenting: Itinerarium Sacrae Scripturae. Magdeburg 1589)
Source Internet [5]
Basil Kerski: L'intégration de la Pologne dans l'UE n'est pas seulement un tour de force économique. Elle implique aussi bien un rattrapage du retard dans la modernisation du pays qu'un choc culturel pour beaucoup de Polonais. Les citoyens polonais ont certes recouvré en 1989 un État souverain, mais il s'agit en fait d'un nouvel État. La Pologne d'avant-guerre avait d'autres frontières, mais aussi une toute autre identité culturelle et ethnique qu'après 1939. La Pologne, cette vieille "Kulturnation", ce vieil État, doit se redéfinir. Comment décririez-vous ce processus, Robert Traba?
Robert Traba: Lorsque je considère le référendum de 2003 portant sur l'adhésion à l'UE, j'ai l'impression de me trouver en face de revendications du XIXe siècle, car il renferme au fond toute la rhétorique et les débats de cette époque: qu'implique aujourd'hui la polonité, et en quoi est-elle menacée par l'entrée dans l'UE? Je n'ai pas de définition toute prête, mais j'aimerais me référer ici en lieu et place à l'historien défunt de grande renommée Tadeusz Lepkowski, qui a du reste été en relation avec les historiens français des Annales. Il se basait sur l'affirmation que la polonité - pour s'en tenir à ce terme qui a une connotation positive en Pologne, à la différence de l'Allemagne - est caractérisée par six éléments différents: la communauté ethnique, la langue, la religion, la communauté culturelle, la tradition, ainsi que les mœurs et coutumes. L'Allemand Ferdinand Gregorovius a décrit la polonité, qu'il a qualifié du terme de "républicanisme polonais", comme un phénomène qui a fait avancer l'État polonais dans l'histoire. Lepkowski a tenté de définir la polonité comme suit: "Je n'ai nullement l'intention de glorifier l'institution et l'esprit du liberum veto. Je n'ai pas non plus pour propos de déplorer, comme l'ont fait récemment le pouvoir d'État et les historiens qui lui sont dévoués, la terrible anarchie polonaise, le désordre et ce sacré individualisme calqué sur l'ancienne noblesse. [...] Je voudrais seulement mettre l'accent sur ce rejet polonais de l'État autoritaire, culminant finalement dans une tendance à la dictature nationale. J'aimerais souligner en outre qu'un État contrôlé par les citoyens devrait servir l'individu, les groupes sociaux, et finalement, la nation, en tant que communauté ethnique et culturelle."
Je voulais montrer par là que nous avons affaire ici à un ensemble complexe de tendances nationales diverses, qui peuvent être encore rassemblées sous le terme de polonité, ce qui nous distingue sans doute de nos voisins. Les aspects soulignés par Lepkowski ont été fortement instrumentalisés par les nationalistes polonais durant la phase de préparation du référendum. En ce qui concerne la question de savoir dans quelle mesure le vieux nationalisme polonais est encore virulent en Pologne à l'heure actuelle, nous pouvons renvoyer, du moins partiellement, aux votes des Polonais lors du référendum.
Permettez-moi de revenir sur les spécificités de la tradition nationale en Pologne. Aux XVIIe et XVIIIe siècles et au début du XIXe siècle, les Polonais avaient une conception très moderne de la nation, basée en particulier sur l'idéal selon lequel tous les habitants du pays pouvaient se considérer comme des citoyens de la "Rzeczpospolita" polonaise, indépendamment de leur origine ethnique. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, les tendances nationales évoluèrent rapidement aux dépens de la tolérance ethnique. Il est difficile de dire si nous sommes arrivés aujourd'hui à un tournant. Il est tout aussi difficile d'évaluer la conception politique actuelle de la nation, car la Pologne change à un rythme si effréné que l'on ne peut guère établir un état des lieux.
Basil Kerski: L'historien polonais de renom Jerzy Kloczowski fait la distinction entre deux traditions nationales polonaises concurrentes, à savoir la conception d'une nation, telle qu'elle s'est exprimée à la fin du XIXe siècle sous la forme d'un État national ethniquement homogène, et l'ancienne Union de Lublin, inconnue à l'Ouest, qui a fondé un État multinational d'Europe centrale, et qui peut être considérée selon lui comme une première forme d'intégration européenne. L'Union de Lublin s'est formée au XVIe siècle, entraînant une fusion politique du royaume de Pologne, du Grand-Duché de Lituanie et de la Prusse. Faut-il replacer le débat polonais actuel sur la nation et l'Europe dans le contexte de ces deux modèles polonais d'État national?
Robert Traba: Je ne remonterais pas si loin dans l'histoire, mais j'aurais recours à l'héritage du XIXe siècle. Nous avons affaire en Pologne, mais aussi en Allemagne, à un régionalisme hérité du XIXe siècle. En Pologne, la carence d'un État polonais a été déterminante au XIXe siècle. Chaque individu devait s'identifier avec le peuple, avec le peuple dans certaines régions, mais avant tout avec le peuple polonais. Après 1989, nous assistons à l'intéressant phénomène d'une identification avec l'histoire régionale, pas seulement avec l'histoire polonaise, mais avec tout l'héritage qui nous rattache par exemple à nos voisins allemands. Je pense ici aux territoires polonais de l'Ouest et aux anciens territoires allemands de l'Est. Ces territoires illustrent bien comment on peut forger un nouveau patriotisme local par une approche historique. "Je suis un Dantzigois, un Gdanszczanin". En disant cela, j'ai conscience du fait que cette ville n'est originellement ni polonaise, ni allemande, mais englobe plusieurs cultures. Je porte donc ces cultures en moi, j'en suis le représentant. C'est une idée inhabituelle pour beaucoup de Polonais, mais néanmoins très séduisante, parce que les échanges déjà bien développés entre Allemands et Polonais acquièrent encore plus de contours à travers ce débat sur l'héritage.
Basil Kerski: La question des frontières de l'UE demeure une question clé de l'agenda politique de l'Europe. Diverses conceptions se font face, qui résultent de l'héritage du passé. Il y a la fameuse phrase de De Gaulle selon laquelle l'Europe politique s'étend jusqu'à l'Oural. En Pologne, on a du mal à énoncer de telles affirmations. Si la politique polonaise se base encore sur les anciennes références culturelles, cela équivaut alors à inclure l'Ukraine et la Biélorussie dans l'Europe, mais à en exclure la Russie.
Etienne François: Tout dépend de ce que l'on entend par Europe. Si l'on conçoit avant tout l'Europe comme un héritage, alors la question des frontières séparant la chrétienté d'Occident et celle d'Orient se posera sans doute assez rapidement. Mais ce n'est là qu'une dimension. On peut voir cela de façon beaucoup plus positive et active, non pas simplement comme un héritage, mais comme une mission, et considérer l'Europe non seulement en tant qu'entité historique, mais aussi en tant que projet politique. Dans ce cas, les frontières de l'Europe dépendent des États qui aspirent à faire partie de l'Europe, à la construire ensemble, et qui se reconnaissent de ses valeurs. La question des frontières perd alors de sa pertinence. Le consensus et la volonté de coopérer, ainsi que l'acceptation de règles du jeu communes, tels sont dès lors les éléments décisifs. Il peut très bien y avoir plusieurs formes d'appartenance. On observe très nettement que les pays qui sont devenus des démocraties, dans le sens occidental du terme, juste après la Seconde Guerre mondiale, se sont étroitement rapprochés dans de nombreux domaines et se sentent appelés à agir pour le bien des sociétés, dans le respect de leurs traditions. D'autres pays, qui sont venus s'y joindre plus tard, n'ont pas les mêmes formes d'appartenance, mais on peut tout aussi bien se représenter ces formes pour l'avenir. Dans le cas de la Turquie, nous devons nous demander si ce pays fait partie de l'Europe, si son appartenance peut être fondée his-toriquement ou politiquement. Il n'est guère possible de se baser sur l'histoire. L'Europe en tant que construction historique s'est formée dans l'opposition à l'Empire ottoman. Il en va aujourd'hui autrement, lorsque l'on parle de l'Europe comme d'un projet politique. Les questions décisives sont alors la répartition du pouvoir, l'ordre de la société civile, la reconnaissance de règles internationales. L'histoire ne joue là qu'un rôle secondaire.
Basil Kerski: En est-il vraiment ainsi? Les historiens débattent depuis longtemps sur l'union de l'Europe, mais en même temps aussi sur les frontières intérieures de l'Europe, ainsi que sur les différences de développement. Il y a certainement des forces politiques qui se servent aussi de ces frontières intérieures comme d'un instrument au service de buts politiques. La déclaration du ministre de la Défense des USA, Donald Rumsfeld, parlant de la "vieille Europe", dont l'Allemagne et la France font partie, face à la "nouvelle Europe", l'Est de l'Europe centrale, soulève la question de savoir si ce partage de l'Europe se fonde sur une réalité. L'historien hongrois Jenö Szücs me vient ici à l'esprit, qui estime qu'en dépit de l'union de l'Europe et de tout sentiment d'appartenance et de cohésion, il existe malgré tout trois régions européennes bien distinctes: l'Europe de l'Ouest, l'Est de l'Europe centrale et l'Europe de l'Est. Monsieur Kaelble, comme voyez-vous ces frontières intérieures de l'Europe et ces différences?
Hartmut Kaelble: En tant qu'historien, je me range à l'avis d'Etienne François pour tracer la frontière entre la latinité et l'Église d'Europe de l'Est, sans pour autant que nous surestimions cette frontière pour le présent. Durant les cinquante dernières années, trois frontières ont joué un rôle majeur, et nous devons encore en tenir compte dans nos réflexions. La première frontière est celle entre l'Est et l'Ouest, tracée après 1945 entre la zone d'influence soviétique et l'Europe occidentale. Elle a encore des effets durables, même si elle a disparu en 1989. La deuxième frontière est celle qui s'est formée entre le centre économique de l'Europe, donc de l'Europe qui s'est industrialisée très tôt, avec la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, le Sud de la Suède, le Nord de l'Italie, la Bohême, et de l'autre côté la périphérie de l'Europe, au Sud et à l'Est. Cette frontière s'est presque effacée au cours du dernier demi-siècle, et c'est là l'un des grands acquis de cette période. Une troisième distinction, très courante parmi les sociologues, est celle faite entre le Nord et le Sud, donc entre la Scandinavie et l'Europe continentale.
Vient s'y ajouter la distinction établie par Donald Rumsfeld, que vous venez d'évoquer. Les tensions auxquelles il fait allusion sont plutôt momentanées et dues à la guerre en Irak. Mais si l'on peut supposer qu'elles seront de courte durée, elles n'en reposent pas moins sur les différences du vécu historique, en particulier sur les répercussions de la Seconde Guerre mondiale. Les États de l'Est de l'Europe centrale ont de toutes autres expériences des dictatures du passé récent que les États d'Europe de l'Ouest.
Nous devons par exemple comprendre pourquoi les pays de l'Est de l'Europe centrale ont adopté en Irak une autre position que les pays d'Europe de l'Ouest. Il ne sert à rien de leur reprocher une "fausse" vision des choses, il faut comprendre pourquoi ils ont perçu ce conflit autrement. Ce n'est que dans un deuxième temps que l'Europe de l'Ouest devrait chercher à identifier les points communs, aussi en matière de politique étrangère, car la constitution de l'UE restera sinon lettre morte.
Basil Kerski: Avec l'entrée de la Pologne et d'autres jeunes démocraties de l'Est de l'Europe centrale dans l'UE, les frontières de l'UE, donc de l'espace Schengen, se recouperont en grande partie avec celles d'un espace culturel et religieux. Cela veut-il dire que la Pologne se tourne à présent vers l'Ouest et se distancie de ses voisins de l'Est? Monsieur Traba, l'association culturelle que vous avez co-fondée, l'Allensteiner Kulturgemeinschaft Borussia, ne s'attache pas seulement au patrimoine culturel allemand, mais s'engage aussi pour le dialogue avec les pays de l'Est voisins de la Pologne, avec la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine. Comment voyez-vous les relations actuelles de la Pologne avec ses voisins de l'Est?
Fig. 10
Tableau des peuples d'Europe
„Kurze Beschreibung der in Europa Befintlichen Völkern Und Ihren Aigenschaften" Peinture à l'huile, Styrie, début du XVIIIe siècle
Source Internet [8]
Robert Traba: Je ne dois heureusement pas répondre au nom de la nation polonaise, car il y a tant de conceptions différentes qu'elles appellent tout autant de réponses. Il me paraît important d'ajouter encore quelque chose au sujet des frontières de l'Europe. Il est intéressant de savoir où l'Europe s'arrête à l'Est du point de vue polonais. Personne ne se demande si le Portugal ou l'Espagne font partie de l'Europe. Par contre, on pose automatiquement la question lorsqu'il s'agit de l'Est de l'Europe. Les intellectuels polonais sont divisés à ce sujet. Je pense ici à l'ouvrage de Piotr Wandycz, "Cena wolnosci" (Le Prix de la Liberté), dans lequel l'auteur tente de définir l'Europe centrale. Qu'est ce qui caractérise l'Europe centrale? J'aimerais l'illustrer ici brièvement à travers l'association Borussia. Nous autres Polonais, nous avons la chance, ne serait-ce que dans un petit groupe comme Borussia, de pouvoir étudier et discuter de l'histoire non-polonaise du pays, et de nous identifier à elle, même si cela ne correspond pas forcément au canon officiel de l'histoire. Cela signifie que notre patrimoine n'est pas seulement celui que l'on nous raconte et que nous transmettons depuis le XIXe siècle, mais qu'il englobe aussi la culture des voisins, à laquelle nous devons nous ouvrir pour notre propre bien. La reconnaissance du patrimoine juif et allemand représente pour la Pologne un enrichissement qui s'impose peu à peu dans le pays. Le développement de domaines communs de discussion entre Allemands et Polonais, entre Polonais et Français, peut féconder ce processus.
Basil Kerski: Y a-t-il en Pologne des représentations spécifiques de l'Europe? On assiste en ce moment aussi en Pologne à un vif débat sur les contenus de la constitution européenne.
Robert Traba: A mon avis, on ne discute pas encore de l'Europe en Pologne, mais j'espère qu'un débat ouvert et sérieux va avoir lieu.
Basil Kerski: Existe-t-il des représentations particulières de l'Europe en Allemagne et en France?
Hartmut Kaelble: Le débat sur l'Europe ne s'est amorcé en France et en Allemagne que lorsque les citoyens de ces deux pays se sont sentis directement concernés par l'Europe d'une façon ou d'une autre. Je ne vois donc à cet égard aucun retard du côté de la Pologne. Les pays présentent là en principe de grandes similitudes. Les sphères publiques réagissent lorsqu'elles sont concernées, lorsqu'il s'agit de décisions majeures. Je doute qu'une représentation allemande particulière de l'Europe se soit formée au cours du long débat sur l'Europe. Il existe quelques grandes lignes communes. Les Allemands partagent avec les Espagnols, et peut-être aussi avec les Polonais, le fait qu'ils ont eu tendance à trop attendre d'une Europe très souvent vue comme une alternative prometteuse, après l'expérience de la dictature. On constate en outre la construction d'une opposition entre identité nationale et identité européenne. C'est ce qui s'est produit en Allemagne juste après 1945, et cela se ressent encore quelquefois aujourd'hui à travers la déception éprouvée au sujet de l'Europe. Il en a été ainsi de l'Espagne après le régime de Franco, et c'est peut-être aussi le cas pour la Pologne. Il s'agit là d'une situation particulière, non pas propre à l'Allemagne, mais aux pays qui ont fait l'expérience de la dictature et ont développé par la suite une certaine vision de l'Europe. Il y a aussi ce point de vue, exposé quelquefois de façon naïve, selon lequel les Allemands en sauraient plus sur le fédéralisme, sur les modes de communauté entre États. Je n'y crois pas. Je pense que les Allemands doivent réaliser que les autres ont leurs propres idées là-dessus. Il faut y réfléchir et ne pas croire que ce fédéralisme de la RFA est une sorte de panacée pour l'Europe. Les Allemands ont longtemps pensé que certaines instances telles que leur Cour constitutionnelle ou leur Banque fédérale étaient ce qu'il fallait à l'Europe, parce que l'Union européenne a été d'une certaine façon construite "d'en haut". Mais il est intéressant de constater que la Banque centrale européenne fonctionne tout autrement que la Banque fédérale allemande. Il semble qu'il soit ressorti tout autre chose de ce que les Allemands ont "exporté". La politique européenne de l'Allemagne, la vision allemande de l'Europe, présentent certaines spécificités, mais je pense que les similitudes avec les autres pays prédominent largement.
Fig. 11
Carte humoristique de l'Europe, Berlin 1870
"England sitzt abwartend auf dem Wollsack; die Fahne seiner Neutralität ist etwas lädiert durch Pulver- und Gewehrsendungen nach Frankreich. Irland möchte sich von der englischen Nabelschnur durch das F[...]thum lösen. Spanien wacht noch immer nach dem verlornen Königthum und verspricht dem ehrlichen Finder eine Krone. Corsica bemüht sich vergebens, wieder einen "großen Corsen" zur Welt zu bringen. Sicilien ladet zu einer neuen Vesper. Die Türkei dampft und wird ihr politisches Dasein wohl bald verraucht haben. Italien spielt mit Rom Imp[...] und erwischt dabei den "schwarzen Peter". Frankreich verliert beim Ausreissen zwei Hemdenzipfel (Elsass und Lothringen), die Deutschland, beim Haschemänn-chen, in der Hand behält. Preussen hat Ihm schon. Oesterreich liegt auf der Lauer. Belgien und Holland laden die Kriegsparteien zum Besuch auf ein neutrales Gericht Bayonett mit Kolben. Die Schweiz heilt die Wunden der Wunder des Ch[...]t's. Dänemark's "[...]" und Russland harrt mit scharf geschliffenem Messer der Stunde, wo es ihm vergönnt sein wird, ein Stück vom Halbmond für sich abzuschneiden. Zu der ganzen Comödie spielen Schweden und Norwegen vorläufig die Zuschauer. (Die Dampfer-Linien nach London sind stark befahren)"
Source Internet [9]
Etienne François: Je vois une particularité dans la voie de la France vers l'Europe, une conception toute gaullienne: l'idée que l'Europe sert à préserver le rôle de leader de la France; ce lien étroit entre l'ambition nationale et de plus grandes ambitions nourries sur le plan de la politique mondiale. L'Europe comme instrument politique joue toujours un certain rôle et reste à l'ordre du jour. Cette importance se reflète dans les discussions menées par les représentants de différents pays sur l'avenir de l'Europe, ou au sein de la Convention européenne, en particulier dans le contexte de situations conflictuelles. Cette idée que l'Europe est plus qu'un simple espace régi par des valeurs et des lignes directrices communes, et qu'elle devrait devenir une puissance menant une politique de défense indépendante, est sans doute plus répandue en France qu'ailleurs.
Il faut cependant noter que les Français ne sont généralement pas conséquents, puisqu'ils ont du mal à dialoguer avec cet autre partenaire qu'est la Grande-Bretagne, après avoir affirmé que l'Europe doit devenir une véritable puissance sur l'échiquier mondial. Nous n'avons pratiquement pas parlé jusqu'ici de la Grande-Bretagne, mais si l'on quitte le domaine purement économique pour considérer la politique étrangère et de défense, c'est la Grande-Bretagne qui joue un rôle majeur, en raison de ses relations particulières avec les États-Unis, et chacun sait qu'un fossé nous sépare à cet égard. Voilà ce que je pourrais dire de la voie particulière de la France dans l'Europe.
Quelque chose me frappe encore en France. On y a de plus en plus pris conscience du fait que la perspective du développement de l'Europe en une nouvelle puissance est indissociablement liée à la création d'un espace éducatif européen. On assiste depuis quelques années à une harmonisation des différents systèmes éducatifs, parallèlement à une réduction des particularités françaises en la matière. Cette évolution est perceptible dans toutes les Grandes Écoles - une spécificité française -, même si elle ne s'effectue pas assez vite. Ces Grandes Écoles s'efforcent depuis environ cinq ans de s'ouvrir à l'Europe: leur accès ne passe plus uniquement par des examens ou concours français, mais par d'autres critères qui valent pour les autres pays européens. C'est un phénomène nouveau. Toutes ces écoles d'élite savent qu'il leur faut dépasser le simple cadre national, et que leur avenir est lié à l'Europe. Ceci a des conséquences sur l'enseignement des langues. La France a longtemps été à cet égard la lanterne rouge. Il me semble que la situation est encore pire en Grande-Bretagne, mais toujours est-il que les Anglais parlent la première langue mondiale, ce qui n'est pas le cas chez nous. Je suis très impressionné de voir que l'on essaie en France "par le bas", sur le terrain, de s'adapter à cette nouvelle réalité européenne, par exemple justement en matière de plurilinguisme, et qu'on ne parle pas seulement le français, mais aussi l'anglais, et si possible encore une troisième langue. C'est un enjeu important, non seulement pour la France et l'Allemagne, mais pour tous les pays européens. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais nous pouvons, si nous y réussissons, aller plus avant ensemble dans la construction de l'Europe.
Basil Kerski: Voilà une excellente conclusion. Je vous remercie beaucoup pour cet entretien.
Photos: Emanuela Danielewicz
Liens:
- [1]http://members.tripod.com/roepstem/euro.html
- [2]http://digilander.libero.it/capurromrc/%210142delisle.html
- [3]http://digilander.libero.it/capurromrc/%210140wald.html
- [4]http://www.ofaj.org/netzwerk/grund/vertrag63.html
- [5]http://www.celtoslavica.de/europa/virgo.html
- [6]http://fhh1.hamburg.de/maps/english/europe/europa.htm
- [7]http://www.vulture-bookz.de/imagebank/Karikaturen/pages/1887%7EDas_heutige_Europa_%28Nebelspalter%29.html
- [8]http://www.jungeforschung.de/europa-bilder/voelkertafel.htm
- [9]http://www.vulture-bookz.de/imagebank/Karikaturen/pages/1870%7EHumoristische_Karte_von_Europa_%28A_Neumann%29.html