[description du fait divers = un incendie]

Or, nous vivons en un temps où chaque chose est reliée à notre état d'esprit qui est plus que jamais, tonnerre de Dieu, l'esprit de guerre ! Tout aussitôt donc, journalistes et journaux s'enflamment eux aussi et d'affirmer à leurs lecteurs : que les vapeurs qui ont pénétré dans le wagon étaient des gaz asphyxiants, et que le feu avait été mis au véhicule par un dispositif d'horlogerie à retardement... A preuve qu'on avait retrouvé sur place un disque métallique, une petite roue, etc... Donc, attentat boche.

Et les bons lecteurs, abrutis par quatre années de Marcelhutâneries [journaliste à l'Echo de Paris], d'avaler cette bourde comme les petits nenfants avalent le bon lolo (quand il y avait du bon lolo) : - Encore ! Encore ! disaient-ils.

On leur servit donc froidement les plus horribles détails.
La chose eût continué si on n'avait fini par s'apercevoir que la machine infernale n'était, en réalité, qu'un malheureux phonographe, tout à fait innocent et injustement accusé.

L'histoire est bien bonne et le Canard qui inventa jadis celle du sous-marin boche démontable et remonté à l'entrée d'un port américain, le Canard devra regretter toute sa vie de ne pas l'avoir inventée... [...]

Le Canard enchaîné, 19 février 1919, p. 1

Der Frühling ist da! [...]
V'là l' printemps ! [...] Hommes légers ! Avez-vous donc sitôt perdu le souvenir des rudes leçons de la guerre ?
Oui, c'est le printemps. Le sol est sec. Les prévisions météorologiques sont excellentes. Nous sommes en 1915, en 1916, en 1917, en 1918. [...]
Qu'est-ce qui va se passer ? L'ennemi profite de ces dispositions pour préparer en secret une offensive. Mais nous le savons.
Et nous en préparons une autre dans un autre grand secret. Mais il le sait aussi.
Et ce que tout le monde savait pendant cinq ans, nous ne le saurions plus cette année !
Prenez garde ! Une offensive nouvelle se prépare chez nos éternels ennemis !...
Non... ne regardez pas comme ça vers l'Est en buvant votre bock et en fronçant les sourcils. On vous prendrait pour un maboul ou pour M. André Lefèvre. [...]
Rentrez chez vous... Et au lieu de rêver la feuille à l'envers, regardez à l'endroit celle du percepteur... [...]

Le Canard enchaîné, 22 mars 1922, p. 1