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Les structures territoriales de la Gaule celtique
S'appuyant sur la description de César dans De bello Gallico, la plupart des auteurs s'accorde à reconnaître que sur le territoire de la France actuelle s'était formé à la fin du dernier millénaire avant JC un ensemble de territoires de taille diverse (les pagi, au singulier pagus, qui a donné en français pays) basé sur les structures familiales et tribales des peuples celtes. Ces pagi, au nombre d'environ 60 à 80, avaient dans la plupart des cas pour centres des villes fortifiées, les oppida (sg. oppidum), caractérisées aussi bien par certains critères géographiques (emplacement sur un piton, présence d'une voie navigable ou d'une route) que par leurs fonctions urbaines (défense, commerce, gouvernement).
Les connaissances portant sur l'importance de ces villes sont tout aussi incertaines que les suppositions concernant les chiffres de la population en Gaule pré-antique. Même là où des fouilles permettent une reconstitution assez exacte du plan de la ville, on ne peut émettre que de vagues estimations quant au nombre d'habitants et aux interdépendances spatiales. Souvent c'est le nom de la ville (beaucoup de ces noms sont issus de la désignation gauloise d'une tribu) qui permet de penser qu'il s'agit d'une ville remontant à cette époque.
Maurois (1951, p. 11) dresse un tableau détaillé des relations sociales celtes qui peuvent être considérées comme étant la base de la structure territoriale gauloise. Ainsi les Celtes [1] (ou Gaulois) vivaient en groupes familiaux, les clans, dont plusieurs se regroupaient pour former une tribu. Plusieurs tribus formaient un peuple. Maurois suppose qu'à l'époque de la conquête par César il y avait 400 à 500 tribus organisées en près de 70 peuples. Chacun de ces peuples disposait d'un oppidum ou plusieurs oppida caractérisés à la fois par un système de fortifications (murs, remblais, fossés, palissades) et par l'existence de marchés. Ils étaient la plupart du temps aussi le siège d'un roi, d'un chef de tribu ou d'un meneur politique (Vergobretos) et le lieu central où étaient organisées les grandes réunions populaires. Par ailleurs, ils offraient protection à la population des environs en cas de danger, ce qui explique pourquoi certains sont d'une taille assez importante. Par exemple la partie non bâtie à l'intérieur de l'oppidum Bibracte près d'Autun avait une superficie de 135 ha, à Alésia 97 ha (Braudel 1989/90, 2, p. 54).
Si les oppida se distinguaient par leurs fonctions quasi-urbaines, en revanche leurs habitants n'avaient pas de statut particulier, ils n'étaient pas "citoyens" (cives) et ne se distinguaient donc juridiquement que peu, ou pas du tout, de la population rurale au sein du territoire de la tribu. Il n'y avait pas de maisons en pierre, les habitations étant presque exclusivement des constructions en torchis recouvertes de paille, ce qui explique pourquoi, de cette phase, aucun bâtiment en pierre n'a été conservé ni n'a pu être reconstruit.
Fig. 2 et 3
L'oppidum Bibracte en Bourgogne: plan des fouilles et dessin de reconstruction
Source Internet (Fig. 2)
Source Internet (Fig. 3) [3]
Cependant la structure économique de nombreuses oppida était déjà très différenciée. Par exemple dans l'oppidum Bibracte [4] sur le Mont Beuvray (Bourgogne), on a pu démontrer l'existence de quartiers des potiers, des menuisiers, des charpentiers, des forgerons, des émailleurs et d'autres artisans. Dans l'oppidum Ensérune [5] (près de Béziers), on trouve tout un quartier contenant des silos enterrés qui servaient à l'emmagasinement de céréales, d'huile ou d'olives. On retrouve des structures semblables à l'oppidum d'Entremont [6] près d'Aix-en-Provence.
Fig. 4/5/6
L'oppidum Ensérune près de Béziers: silos enterrés pour conserver les olives et les céréales
Source Internet [7]
La fonction de marché des oppida mérite d'être soulignée. Dans le nord de la Gaule celtique, il existait déjà de grands espaces de culture céréalière destinée à l'exportation (Werner 1989, p. 180). Le sel, la viande salée, le jambon, les produits laitiers etc. faisaient également l'objet d'un fort commerce et avait une grande importance tant pour les habitants des environs qu'au niveau suprarégional. A Marseille, les Grecs échangeaient ces marchandises contre du poisson, du vin et surtout aussi des produits artisanaux venant de tout le Bassin Méditerranéen. Cela nécessitait donc une excellente infrastructure d'approvisionnement et de transport, celle-ci étant l'une des caractéristiques de la Gaule celtique. C'est essentiellement à cela que César doit d'avoir pu conquérir la Gaule aussi rapidement.
D'autre part il ne faudrait pas donner trop d'importance au commerce et à la communication entre les habitats gaulois. Bekker-Nielsen (1989) a pu montrer que ceux-ci formaient certes un réseau assez dense (d'après Tacite environ une centaine sur le territoire gaulois), mais que les oppida, conformément à l'organisation des Celtes en tribus, étaient pour la plupart isolés et chacun entouré de larges forêts. Maurois (1951, p. 11) explique ceci par la crainte d'une attaque de la part des tribus voisines contre lesSources ces forêts constituaient un rempart naturel.
En ce qui concerne la structure territoriale historique, il résulte de tout cela une preuve intéressante à l'appui de la thèse selon laquelle les structures urbaines préindustrielles étaient en premier lieu orientées vers leurs propres environs. C'était sans doute le cas de nombreux oppida dont le nombre d'habitants dépassait rarement les 400 à 500 personnes. Seules quelques centres de taille supérieure (Werner [1989, p. 182] parle de 2000 habitants et plus) jouaient un rôle-clé dans les relations commerciales, tout particulièrement quand ils occupaient une position géographique favorable aux transports. Par exemple, pour les Parisii celtes qui habitaient dans l'île sur la Seine à Paris, et étaient appelés les nautae, la navigation sur la Seine était un facteur économique important.
K. F. Werner (1989, p. 168) a souligné avec insistance que la structure territoriale celte a des répercussions jusqu'à aujourd'hui: "Avec les Romains, qui dans l'intérêt du Bassin Méditerranéen romanisé ne permettaient plus de grands changements, l'hexagone a quitté les sables mouvants de la préhistoire. La terre ferme de l'Histoire était atteinte, et pour la France l'une des bases essentielles de cette Histoire était déjà jetée: la structure géographique et démographique des régions moyennes autour d'un lieu central et celle des plus petits territoires, les pagi. Le nom de ces régions et de leurs capitales conserve aujourd'hui encore le souvenir des tribus celtes ou celtisées qui depuis César n'ont plus bougé de leur place."
Quelques exemples suffisent à le montrer: la tribu celte (gauloise) des Cenomani a donné son nom au Maine, Touraine (Tours) est dérivé de Turones, les Pictones ont donné leur nom au Poitou, les Arvernes à l'Auvergne, les Bituriges [8] au Berry. Le nom de la ville de Nantes rappelle la tribu des Namnètes, celui de Sens les Senones, celui de Paris les Parisii (pour une liste détaillée cf. Mirot 1948, p. 19 et suiv.). Ce ne sont ici que quelques exemples, la liste complète serait ici trop longue.
Liens:
- [1]http://www.altmuehlnet.de/gemeinden/boehmfeld/dorf/kelten/k-history.htm
- [2]http://www.skene.be/CE/archeoloj/AJ09021102.html
- [3]http://bibracte.com/TFrTheseBeuvray.html
- [4]http://www.bibracte.tm.fr/
- [5]http://www.oppidumdenserune.com/
- [6]http://www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/entremont/fr/index2.html
- [7]http://www.oppidumdenserune.com/parcours.htm
- [8]http://www.argentomagus.com/conquete.php