- Structure politique, centralisme, décentralisation
- Problèmes transfrontaliers et coopération
- Rhône-Alpes - Structure géographique et économique d'une région de dimension internationale
- Bade-Wurtemberg et Rhône-Alpes: structures politiques et sociales
- Les temps de la crise
- Caractéristiques et réalités de la crise
- Quelques éléments d'explication sur les causes de cette crise
- Etat, Région et Communauté européenne
- La nature des liens avec le pouvoir national, régional et avec les instances européennes
- Les modes d'intervention contre la crise
- Les résultats comparés en terme de gestion de crise
- Les résultats des politiques sidérurgiques allemandes
- Les résultats des politiques sidérurgiques françaises
- Perspectives
- Le bassin de la Ruhr et le Nord-Pas-de-Calais - eine Unterrichtssequenz
- Paris et Berlin - portraits de capitales
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Introduction
Le secteur de l'acier est devenu un secteur symbolique de la crise. L'évocation même du terme de sidérurgie est devenue synonyme de coût financier et humain, même si, dans le Nord, celle du charbon l'a précédé et a fait autant de perte en terme d'emploi et de finances. Mais ce secteur est aussi un bel exemple de reconversion dans un cadre européen et d'avancées technologiques. L'histoire comparée de la reconversion des régions industrielles est une vaste entreprise qui débute à peine. Certes, de nombreux travaux ont déjà défriché le terrain, mais des questions fondamentales attendent encore des réponses. Pourquoi la reconversion semble-t-elle avoir été plus complète, mieux réussie, plus rapidement menée dans certains bassins, comme la Ruhr, et non dans d'autres? Quels en ont été les acteurs? Quel en a été le coût financier et humain?
La reconversion industrielle a une portée historique considérable puisqu'elle est la phase de transition d'une société née de la grande Révolution industrielle vers la société de services actuelle. Dans la première moitié du XIXe siècle, l'apparition des bassins industriels avait provoqué la reconversion d'une main-d'œuvre paysanne et artisanale en ouvriers d'usine, en mineurs. A partir des années 1950, les grands bouleversements technologiques en matière de sources d'énergie, de nouveaux produits, d'automatisation, d'informatique, de réseaux, ont peu à peu remis en cause cette société basée sur les industries lourdes mobilisant des milliers de bras. Une nouvelle reconversion s'impose alors, une véritable révolution. Il faut faire un trait sur deux siècles d'industrialisation tout en garantissant l'avenir de régions les plus densément peuplées d'Europe. Pour comprendre ce changement considérable, l'histoire comparée apporte son éclairage, ses méthodes.
Ce changement s'est opéré au moment même où l'Europe connaissait un autre bouleversement: la création de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier (CECA [1] ). Ironie de l'Histoire, les débuts de l'intégration européenne reposaient sur deux secteurs à grande portée symbolique, mais qui, déjà, accusaient les premiers signes de faiblesse. Dès lors, l'intégration européenne s'est trouvée étroitement liée à la reconversion industrielle. Celle-ci a-t-elle freiné celle-là? Ou, au contraire, a-t-elle fourni à la Communauté naissante une occasion historique de légitimation? C'est cette dernière hypothèse qui est la plus probable.
La notion de reconversion est inventée avec l'Europe. Elle apparaît dans la déclaration du 9 mai 1950 [2] qui prévoit "la création d'un fonds de reconversion pour rationaliser la production". Le mot reconversion ne figure plus dans le texte du Traité de Paris du 18 avril 1951, mais la Haute Autorité de la CECA reçoit pour mission de veiller à sauvegarder "la continuité de l'emploi et à éviter de provoquer dans les économies des Etats membres, des troubles fondamentaux et persistants" (Art.2).
Fig. 3
Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon & de l'Acier, Paris, 18 avril 1951
Source Internet [3]
Avec le recul d'un demi-siècle, il s'agit désormais d'évaluer sur le long terme l'efficacité des politiques anti-crises menée conjointement par la CECA, par les Etats et par les régions, cœur de ces activités industrielles et de cette crise. A quel niveau d'intervention se situait-on de manière privilégiée? Après avoir présenté quelques éléments de comparaison tels que les temps de la crise et ses effets économiques et sociaux dans chacun des deux pays étudiés, nous nous concentrerons sur les relations entre les entrepreneurs et les pouvoirs publics, à différentes échelles d'intervention, et leurs effets en terme de gestion de la crise.
Alors qu'en Allemagne, les liens entre le pouvoir privé et les pouvoirs publics ont été, depuis longtemps, privilégiés, du côté français, ces relations semblent d'une autre nature, bien plus tumultueuse. Alors que la sidérurgie allemande, qui symbolisait la puissance du pays, a reçu un appui indéfectible tout au long du siècle, la sidérurgie française a toujours porté le poids de la méfiance des gouvernements successifs, reflet aussi de l'opinion publique du pays. Elle a été régulièrement l'objet de violentes attaques et celles-ci ont repris dans les années qui ont suivi le début de la crise du secteur. Particulièrement dans le Nord-Pas-de-Calais [4] , qui avait bénéficié d'investissements importants pour des transferts d'une partie de l'activité plus traditionnellement située en Lorraine, les graves difficultés du secteur ont été très mal comprises. En effet, les importantes subventions versées par l'Etat français pour cette région ne semblaient pas avoir d'effet sur le redressement de l'activité du secteur et n'empêchaient pas la forte érosion de l'emploi dans une région déjà sinistrée depuis une décennie par la crise charbonnière. D'où la montée de vives tensions.
Dans la Ruhr, les subventions furent bien moindres pour des résultats sans doute meilleurs. Si les effets de la crise sur l'emploi n'y furent guère plus faibles, les actions contre la crise, essentiellement d'origine entrepreneuriale, ont permis un redémarrage plus rapide des entreprises. Dans un bilan comparatif, nous nous efforcerons d'examiner comment les liens entre les entrepreneurs, les régions et les Etats ont agi et comment ils ont pu être plus ou moins efficaces en fonction des politiques suivies (1).
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Notes
(1) Les quelques résultats proposés ici s'appuient sur mes recherches propres sur la crise de la sidérurgie française dans son ensemble, sur le groupe Usinor-Sacilor et sur la crise dans le Nord-Pas-de-Calais, sur le travail de Karl Lauschke sur la sidérurgie de la Ruhr et sur la synthèse de René Leboutte sur l'ensemble du problème de la crise et de la reconversion dans les bassins traditionnels de l'industrie en Europe (Vie et mort des bassins industriels en Europe 1750-2000s, L'Harmattan, 1997) et d'autres de ses travaux (sur le volet social d'intervention de la CECA).