L'année 2004, année historique, a cicatrisé la déchirure qui a divisé le vieux continent pendant plus de 50 ans. L'Union européenne et l'OTAN ont accueilli dans le cadre d'un élargissement sans précédent un grand nombre d'Etats qui après la chute du Mur de Berlin ^[1] prônaient le "retour en Europe". L'adhésion aux alliances les plus importantes d'Europe est considérée comme l'aboutissement d'un marathon de 15 années de réformes laborieuses, de doutes et d'échecs. Outre les quatre Etats de l'Europe centrale et orientale, à savoir la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, l'entrée dans l'Union européenne s'est réalisée pour les pays Baltes, la Slovénie et uniquement pour trois des 15 anciennes républiques soviétiques et un seul Etat des Balkans. La Roumanie et la Bulgarie les suivront en 2007 après être devenues déjà en avril 2004, et ce d'une manière inattendue, membres de l'OTAN sans avoir rempli les critères exigés. Les négociations engagées avec la Croatie, puis avec d'autres Etats de l'ex-Yougoslavie, sont également à l'ordre du jour à Bruxelles tout comme une déclaration claire et nette adressée à la Turquie, candidate que l'on fait patienter depuis 1963.

L'Europe de l'Est se compose d'un grand nombre de petits Etats représentant une population de moins de dix millions d'habitants (Estonie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie et Slovénie), d'Etats moyens (Hongrie, République tchèque et Bulgarie), de grands Etats avec une population de 40 respectivement 50 millions d'habitants (Pologne et Ukraine) ainsi que du super-Etat, la Russie, successeur légitime de l'Union soviétique, avec une population de tout juste 170 millions de citoyens. Une nouvelle frontière est-est imaginaire se dessinant de plus en plus nettement sépare aujourd'hui les Etats de l'Europe centrale et orientale, nouveaux membres de l'UE, des autres Etats de l'Europe de l'Est - la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie. Tout ce qui se trouve à l'extérieur de cette nouvelle frontière est regroupé depuis l'automne 2003 sous le terme à la mode "Wider Europe" - l'Europe élargie, issu de l'anglais de Bruxelles. Les Etats occidentaux entretiennent avec les nouveaux blocs des relations de nature différente. Pour les Européens de l'Ouest et la Communauté internationale des Etats, la Russie est et reste incontournable et la suprématie russe représente pour les petits Etats de l'Europe de l'Est un cauchemar collectif. Les expériences traumatisantes - les partages de la Pologne, le pacte Hitler-Staline mais aussi la politique de non-reconnaissance des pays Baltes en 1919 et en 1991 - justifient cette peur qui monte vite face à la cause commune des grands aux dépens des petits.

Un agenda exigeant attend les nouveaux membres de l'UE : si le slogan lors de la première décennie de transition était "Nous avons dû tout construire à partir de zéro" (1), la nouvelle directive est maintenant de "rattraper" - "catch up". Parmi les acquis communautaires, on compte aussi bien l'euro que le régime de Schengen ^[3]  relatif aux frontières et à la liberté de circulation qui devront être intégrés. En outre, l'UE se trouve en face de réformes institutionnelles difficiles qui conduiront très probablement en été 2004 à l'adoption d'une nouvelle constitution. Les nouveaux membres devront désormais faire leurs preuves dans l'Union européenne, dont l'importance ne cesse de croître depuis 1991, comme acteurs et non plus comme Etats dépendants. 

 _____________________

Notes

(1) "We built everything from the scratch" - eine immer wieder verkündete Formel seit 1991. Wobei vergessen wird, dass man natürlich das Erbe der Vergangenheit, und sei es der sowjetischen, nolens volens mit sich herum trägt: ein eindrucksvoller Beweis sei nur die Reaktion der osteuropäischen Staaten auf den Krieg in Afghanistan im Winter 2001, der ihnen allen die grauenhafte Sowjeterfahrung in Erinnerung rief.
 2. Meinungsumfragen zur Osterweiterung, siehe den Artikel "Ces clandestins qui font peur" in "Le Point", septembre 2003, http://www.lepoint.fr/europe/document.html?did=100730 ^[4]