- Fédéralisme et centralisme: une étude comparée de l'Allemagne et de la France
- Du "pagus" gaulois à la "région de programme": mutations des structures territoriales en France
- Remarque préliminaire
- Les fondements territoriaux de la centralisation administrative française
- Le centralisme comme principe fondateur de l'organisation de l'État
- L'interaction entre le centralisme et l'économie dans l'Histoire de la France
- L'ambivalence de l'aménagement du territoire
- Permanence et indépendance des fondements du centralisme
- Décentralisation et Régionalisation
- L'aménagement français du territoire et l'Union européenne
- En guise de conclusion: la régionalisation à la française franchit un nouveau pas
- Bibliographie
- Problèmes transfrontaliers et coopération
- Exemples régionaux
- Paris et Berlin - portraits de capitales
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Capitale et système urbain: l'armature urbaine
Cause et conséquence de la centralisation: l'hypertrophie de la capitale. Ce qui a fait pencher la balance en faveur de Paris n'est pas, comme on l'a souvent dit, sa localisation, mais bien la décision d'y fixer sa résidence prise par la dynastie régnante des Capétiens [1] . Très tôt, c'est à partir de cette métropole immuable qu'ont été menées l'expansion territoriale et l'unité de l'Etat. Ainsi, "l'Hexagone" se mettait-il en place à partir de Paris, et non l'inverse, entraînant simultanément l'hégémonie irrévocable de la capitale. Mais le fait que cette ville ne soit pas située au lieu géométrique le plus central du pays - ce dernier se trouve à quelque 200 km au sud près de Bourges - se traduit par plusieurs inconvénients tels qu'un plus grand éloignement en distance et en temps de certains points du territoire, ou encore une dilution de l'administration qui doivent être compensés par un plus grand effort d'organisation. Ces contraintes ont sans aucun doute contribué à accentuer la centralisation.
Cette concentration exceptionnelle du pouvoir dans l'agglomération capitale conditionne celle des institutions administratives, culturelles et politiques. La renommée et l'éclat particuliers qui en sont issus ont donné naissance au "mythe parisien" soigneusement entretenu par une dynamique propre. Seconde agglomération de l'Europe occidentale après Londres, la capitale de la France est un centre mondial de la politique, de la culture, du commerce et de la finance, du transport et des communications, bref, l'une des métropoles mondiales de premier plan, une de celles qui donnent le ton de la vie internationale. Certains indicateurs donnent la mesure de l'hypertrophie de la région Ile-de-France [2] (Bastié 1984, Robert 1994): de loin le plus grand centre industriel du pays, la région-capitale concentre plus de 70 % des emplois de services, 75 % des journalistes, près de 60 % des chercheurs, près de la moitié de l'impôt sur les sociétés et des banques, et enfin plus de 80 % des cadres supérieurs des grandes entreprises. Birnbaum et al. (1978, p. 150) observaient qu'environ les deux tiers des décideurs français importants y élisent domicile! Grâce au poids de ces fonctions de commandement, la métropole parisienne s'est créé un vaste domaine d'influence bien au-delà du Bassin parisien. Si on pourra bientôt, à partir de Nice, régler une affaire à Paris en faisant l'aller retour par le train (TGV) dans la même journée, la domination de la capitale s'étendra alors sur l'ensemble du territoire, exception faite de quelques régions isolées et humainement désertifiées dans les Alpes du sud, le Massif Central et la bordure pyrénéenne qui ne peuvent jouer aucun rôle notable au niveau national.
Fig. 8
L'Ile-de-France est la région la plus importante de France, aussi bien au niveau historique que démographique: près de 20% de la population totale s'y partagent seulement 2% du territoire national. Cette concentration démographique peut s'expliquer par l'attirance exercée par la capitale. Depuis des siècles, Paris est le centre politique et économique incontesté de la France. C'est là que sont prises toutes les décisions importantes. Il en est de même pour les liaisons routières et ferroviaires, lesquelles passent traditionnellement par Paris. Ce n'est que ces dernières années que l'on observe un certain changement dans les conceptions, sans que cela ait pour autant conduit à des modifications profondes.
Source Internet [3] (11.02.2003)
Dans aucun autre Etat européen comparable n'existe une telle disproportion entre la métropole capitale et les autres villes. Les quelque dix millions d'habitants de la métropole parisienne équivalent à la population globale des 17 agglomérations suivantes, ou au double des 5 agglomérations urbaines suivantes par ordre décroissant ! Par sa prédominance, Paris a fait le vide autour d'elle: dans l'ensemble, les métropoles régionales, telles Lyon ou Toulouse, sont rejetées sans exception à la périphérie du territoire, tandis que dans l'espace intermédiaire, seuls prennent place des centres urbains de second ordre comme Dijon, ou de troisième ordre comme Amiens, selon une hiérarchie inversement proportionnelle à leur éloignement de la capitale. Ce modèle est celui de l'armature urbaine décrit par Hautreux et Rochefort (1965). Il ne peut cependant aucunement être comparé au modèle des lieux centraux en Allemagne (System der zentralen Orte) parce que la capitale française cumule de manière unique les fonctions de commandement aux échelles nationale, régionale et locale, alors que les villes de province ne disposent que d'une autonomie limitée. Ceci interdit la correspondance entre la hiérarchie spatiale et la hiérarchie fonctionnelle du réseau urbain, comme le veut la théorie des lieux centraux.
Les 25 premières agglomérations françaises de 1975 à 1999 (d'après leur rang en 1999) | |||||||
Population 1999 | Population 1990 | Population 1975 | |||||
Rang | Ville | Agglom. | Centre | Agglom. | Centre | Agglom. | Centre |
1 | Paris | 9644,5 | 2147,9 | 9318,8 | 2152,4 | 8878,9 | 2317,2 |
2 | Marseille-Aix-en-Prov. | 1349,8 | 807,1 | 1230,9 | 807,7 | 1222,1 | 914,4 |
3 | Lyon | 1348,8 | 453,2 | 1262,2 | 422,4 | 1220,7 | 462,8 |
4 | Lille | 1100,9 | 191,2 | 959,2 | 178,3 | 944,1 | 194,9 |
5 | Nice-Grasse-Cannes | 888,8 | 345,9 | 516,7 | 345,7 | 461,2 | 346,6 |
6 | Toulouse | 761,1 | 398,4 | 650,3 | 365,9 | 551,0 | 383,2 |
7 | Bordeaux | 753,9 | 218,9 | 696,4 | 213,3 | 628,0 | 226,3 |
8 | Nantes | 544,9 | 277,7 | 496,1 | 252,0 | 456,1 | 263,7 |
9 | Toulon | 519,6 | 166,4 | 437,6 | 170,2 | 378,4 | 185,1 |
10 | Douai-Lens | 518,7 | 36,2 | 527,5 | 35,0 | 534,5 | 38,2 |
11 | Strasbourg | 427,2 | 267,1 | 388,5 | 255,9 | 365,3 | 257,3 |
12 | Grenoble | 419,3 | 156,2 | 404,7 | 154,0 | 391,9 | 169,7 |
13 | Rouen | 389,9 | 108,8 | 380,2 | 105,5 | 388,7 | 118,3 |
14 | Valenciennes | 357,4 | 41,3 | 338,4 | 39,3 | 365,5 | 43,2 |
15 | Nancy | 331,4 | 105,8 | 329,4 | 102,4 | 324,1 | 111,5 |
16 | Metz | 322,5 | 127,5 | 315,2 | 119,6 | 315,7 | 114,2 |
17 | Tours | 297,6 | 137,1 | 282,2 | 133,4 | 258,0 | 145,4 |
18 | Saint-Étienne | 292,0 | 183,5 | 313,3 | 201,6 | 334,8 | 221,8 |
19 | Montpellier | 288,0 | 229,1 | 248,3 | 210,9 | 214,5 | 195,6 |
20 | Rennes | 272,3 | 212,5 | 245,1 | 203,5 | 229,3 | 205,7 |
21 | Orléans | 263,3 | 116,6 | 243,2 | 108,0 | 209,2 | 110,0 |
22 | Béthune | 259,2 | 28,5 | 261,5 | 25,3 | 265,0 | 28,2 |
23 | Clermont-Ferrand | 258,5 | 141,0 | 254,4 | 140,2 | 253,2 | 161,2 |
24 | Avignon | 253,6 | 89,9 | 239,5 | 86,9 | 228,7 | 89,1 |
25 | Le Havre | 248,6 | 193,3 | 253,6 | 197,2 | 264,4 | 219,6 |
Source: Pletsch 2003, p. 159 |